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TOP 10 - Texte en français: FR004

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Exercice littéraire qui s’apparente aux concours mandarinaux, c’est avec entrain que nous livrons notre prose. Elle tente de restituer la quintessence du beau et de l’immuable, de toucher l’âme d’un pays en prenant le rythme des saisons comme tempo. Aux cinq éléments, aux cinq directions, aux cinq sens fait écho la cinquième saison du tourisme. Telle est la modeste ambition de cet essai. Illusoire de faire un inventaire exhaustif des richesses culturelles et humaines, mais il s’agit par touches impressionnistes de peindre dans une vaste fresque, du Nord au Sud, la saga de ce pays, la poésie des lieux et des sites touristiques, et les charmes de traditions éternelles vécues au quotidien, dans l’humanisme des paysages. Comme une cinquième dimension, le tourisme enlumine d’une nouvelle couleur le temps qui s’écoule, et dessine des lieux nouveaux, où le Viêt Nam ne doit pas y perdre son âme.




Cinq saisons vietnamiennes


1995. Bonjour Viêt Nam ! Il y a vingt ans que je t’attends. Je n’ai plus vingt ans, certes, mais je sais, comme le jeune marié qui n’a pas encore rencontré sa jeune épousée que ton charme me séduira. Et maintenant, au fil des ans et des voyages, je viens toujours dire bonjour à ton âme, et comme un vieux couple qui a vécu les quatre saisons je te découvre encore et toujours du printemps à l’hiver, parée de ton costume de culture et de tradition.

A l’instar des cinq éléments et des cinq directions qui rythment l’ordonnancement du temps et de l’espace, les cinq sens le festin de la vie, la cinquième saison, celle du tourisme, donne aux couleurs du temps, celles éternelles de la vie retrouvée, avec tes vestiges historiques, et ton humaine diversité. Après le noir et blanc des années de guerre te voici au temps de la couleur multiple et vivante des costumes ethniques et du bariolage touristique.


Les pétales roses des pêchers percent le brouillard en lambeau qui s’effiloche dans les pépinières, en contre bas des digues du Fleuve Rouge, pour annoncer le printemps. Fin janvier, début février déjà, le Têt approche. L’effervescence s’amplifie en un balai incessant de motos, le symbolique arbuste juché sur les porte-bagages, tout de fleurs vêtu.

Alignés bien sagement, on ne sait si ce sont eux qui se mettent à l’ "ombre des jeunes filles en fleurs", ces frêles silhouettes posant en Ao dai si seyant, ou si ce sont elles qui, à chaque Têt nouveau, prennent un bain de jouvence dans ces séances de poses photographiques, en rivalisant de jeunesse avec tes branches aux fleurs roses écloses.


Au Nam Bô, au sud, ce même ballet incessant, mais la fleur de mai, l’abricotier, a remplacé le rose des pêchers et envahi l’avenue Nguyên Huê, déroulant un tapis jaune au pied du Comité Populaire, ce bâtiment colonial, copie conforme de l’Hôtel de ville de Paris.


La nouvelle année lunaire est arrivée et dans la quiétude d’une belle journée de ce Têt nouveau les citadins endimanchés, toute la famille juchée sur une moto, font religieusement, le tour des pagodes et des temples confucéens, se pliant au rite séculaire du culte aux ancêtres, et des offrandes qui apporteront richesse, santé, bonheur.


La ronde des pèlerinages conduit de la Pagode des Parfums à la Pagode Tram Gian, aux cent travées, ou à celle de Bai Dinh dans la province de Ninh Binh, sans oublier l’hommage à Confucius au Temple de la Littérature, Van Miêu. Des théories de vieilles femmes aux fichus de soie sombre et pantalons de soie noire croisent, au long des escaliers escarpés en latérite des temples et pagodes où se pressent "tous les marchands du temple", "coquettes" en pantalon moulant et talons hauts, ou sages demoiselles en Ao dai traditionnel tout aussi sensuel. Le tableau de cette transhumance annuelle ne serait pas complet sans ces paysans endimanchés en chemise trop large, ou ces cadres au strict costume-cravate, qui dans un affairement bon enfant, mi-sérieux mi-décontracté s’apprêtent à rendre visite aux vieux parents restés au village natal et à se recueillir devant les photos des ancêtres sur l’autel familial.


Et puis le temps des travaux des champs est vite arrivé. Dans les rizières irriguées des deltas, du Fleuve Rouge au Mékong ou sur les pentes vertigineuses en terrasse des montagnes du Nord, les tâches vert intense et dru des pépinières vont s’épanouissant en ce vert émeraude des rizières repiquées. L’emblématique chapeau conique, signature culturelle des Kinh, émerge au-dessus des rizières des deltas, alors qu’au flanc des montagnes, émaillant les rizières en gradin, les tâches rouges, noires, bariolées signalent Dao (Yao) rouges, Hmong noirs ou fleuris… Avec 54 ethnies il y a matière à découverte et foisonnement de couleurs, dans l’unité d’un pays aux cultures multiples. Des montagnes du Nord on dit qu’elles sont un conservatoire unique de culture et de tradition de peuples venus de Chine voisine au gré des migrations séculaires. Ils ont préservé au sein des familles et dans le secret des villages qui, le taoïsme pour les Dao, les Nhung, les Sàn Chai… qui, le chamanisme pour les Hmong, alors que sur les Plateaux du Tây Nguyên, l’animisme des Jaraï, Edé, Mnông Gar… se dilue dans la modernité, avec pour seul avenir de mémoire le Musée Ethnographique qui les fait survivre dans ses collections. Au fil des saisons, les travaux agricoles, du Nord au Sud, rythment la vie rurale, donnant ce visage profondément humanisé et si prégnant aux paysages des campagnes.


Dans les épaisses forêts montagneuses, comme dans les jardins secrets, de Hanoï à Hué, l’orchidée s’épanouit, retrouvant l’été, sa saison symbolique, celle où le ciel se déchire, déversant des trombes d’eau tiède comme pour augmenter à plaisir la moiteur.


Les étangs à lotus du Lac de l’Ouest laissent découvrir, à la rosée des petits matins d’été, cette fleur au calice rose s’ouvrir délicatement, et les jeunes filles en fleur immortaliser à leur côté, en une pose éternelle, et sur papier glacé, leur beauté printanière. Qui emprisonne encore le thé dans tes pétales pour l’imprégner de ta pure rosée ? Non loin, la Pagode au Pilier unique, en écho, avec sa tige émergeant de l’eau, évoque le lotus de la fertilité dans le bouddhisme, à moins qu’il ne soit comparé à l’Homme de bien, dans l’éthique confucéenne.

Et, pourquoi ne pas prolonger cette promenade matinale dans ce havre de paix tout proche où le gazouillis des oiseaux vous accompagne, jardin aux mille essences qui fait écrin à la maison sur pilotis d’Hô Chi Minh. Mais avant, anonyme dans une queue silencieuse, défilant lentement devant un catafalque dans la semi-pénombre, tu rendras un hommage solennel et ému, au Père de la Patrie reposant à jamais dans son monumental mausolée.


Un millier de km plus au sud, la Cité Interdite de l’ancienne Cour de Hué, continue à panser ses plaies, sous l’égide de l’Unesco. L’offensive du Têt de 1968 lui a été fatale, dans cette lutte fratricide pour réunir deux parcelles d’une même terre ancestrale. Espace géomantique idéal la Citadelle fut érigée pour l’Impérial détenteur d’un pouvoir entre Ciel et Terre. Les ors et les rouges resplendissent à nouveau peu à peu, avec comme point d’orgue les festivals biannuels. Dîners impériaux restaurés pour invités initiés font revivre, le temps d’une soirée, les traditions millénaires pour un renouveau économique bien pensé. Des défilés de mode réunissent brocards d’antan et stylisme contemporain, présentés par des mannequins à faire pâlir de désir tes anciens souverains, reposant sagement dans leurs mausolées au long de la Rivière des parfums. A la Pagode de la Dame Céleste ou dans les allées de la Citadelle, en ce début de saison des pluies, les pétales des flamboyants déroulent un tapis rouge aux visiteurs.


Franchissons maintenant, par l’ancienne route mandarine en lacets, le Col des nuages non cette frontière entre le Nord et le Sud, mais ce lieu de rencontre entre deux flores qui se marient. Laissons la langue de sable blanc éblouissant de Lang Co se prélasser dans les eaux émeraude de la Mer de l’Est, bien avant que les "Resorts" ne la colonisent et pressons-nous vers Hoï An, l’ancienne Faifo, charmante cité des XVIème et XVIIème, lovée autour de son port, depuis bien longtemps ensablé, et le long de ses quais. Toujours inscrite au patrimoine de l’Unesco, je te découvre au petit matin dans la lumière dorée de l’aube avec tes maisons basses et les tuiles moussus de tes toits verdâtres, brillants de rosée, surplombant tes façades ancestrales dans leur habit ocre jaune impérial. Il faut pénétrer dans tes maisons aux pièces en enfilade pour s’émerveiller des piliers en jacquier centenaire, supportant l’armature des chevrons, imbroglio ordonné composant la charpente de facture chinoise ou japonaise.


L’heure matinale a été faite pour déambuler dans tes ruelles lorsque les marchands ambulants arrivent d’un pas chaloupé, au rythme de leur palanche qui ondule, pour s’installer au bord des trottoirs. Ensuite, la foule compacte des touristes prend possession des rues. Et ce n’est que le soir au soleil déclinant de fin de journée, au moment où ils se retirent, comme une vague, à leurs hôtels, ou ne s’installent aux terrasses pour apprécier une bière fraîche "la Rue" agrémentée d’arachides grillées, que je peux goûter à nouveau tes venelles mystérieuses.


Le temps estival est aussi celui des plaisirs marins. Nous voici arrivés à Nha Trang, qu’Alexandre Yersin ne reconnaîtrait plus. Tes longues plages sont envahies aux aurores par les familles vietnamiennes pressées de prendre leur bain de mer avant les premiers rayons du soleil. Serait-ce les plages de Deauville à la "Belle époque" ? Une peau blanc laiteux est une valeur sûre de séduction, que les vietnamiennes s’efforcent de conserver au prix d’accoutrements inénarrables, engoncées dans des masque, gants, surveste ou surplis. Ils sont enfilés sur les tailleurs, mini-jupes et chemisiers échancrés pour échapper au soleil implacable, prêt à anéantir par un hâle indésirable tant de sacrifices. Il faut échapper au surnom de "nha que" (paysan), le mot est lâché ! Pourtant, ce n’est sans doute pas une coquetterie pour les porteuses de sel de Phan Thiet, image crépusculaire connue de ces ombres furtives, qui se découpent avec leurs palanches, déambulant à la crête des dunes revêtues de masques, portant gants et chemise à bras longs pour se préserver de la terrible réverbération. Ne pas bronzer est une religion, rester blanc le credo !


Au Sud, deux saisons seulement s’opposent, la saison fraîche et la saison des pluies, cette dernière similaire à celle au Nord. Pendant cet été des touristes, il faut découvrir le delta du Mékong aux mille bras, avec ses mangroves impénétrables et ses îlots de vergers regorgeant de longanes, ramboutans, mangoustans... Ça sent bon la quiétude. Le long de la rivière Saïgon les arroyos poussent leurs bras jusqu’à Cholon pour animer les débarcadères du quartier commerçant. Avec Vinh long, Chau doc, Sa Dec les noms dessinent dans le paysage une onde de souvenirs de lecture, Barrage contre le pacifique, L’amant. N’est-ce pas au loin, là-bas, Marguerite Duras appuyée à la rambarde de ce bac qui glisse vers l’autre rive !


Et même, s’il n’y a, dans ce delta aux trois récoltes de riz, que deux saisons, l’automne de l’impérialisme y a été inscrit. Il est creusé dans les tunnels de Cu Chi à quelques encablures d’Hô Chi Minh ville, où les visiteurs d’un jour, ressentent l’instant d’un moment, dans les boyaux étroits de plusieurs centaines de mètre, les sueurs froides de la claustrophobie et le sentiment d’un combat, où le talon d’Achille du géant va être frappé définitivement.


Le chrysanthème, l’emblème de l’automne, surtout présent au nord, associé aux cérémonies des morts en occident, sera bien la fleur de l’enterrement du colonialisme français. La cathédrale de Phat Diem, sonnant le glas, émergeant de la brume automnale des rizières donne le ton. Elle est pourtant un syncrétisme architectural de deux cultures qui se fascinent.


N’oublions pas de chanter l’automne des couleurs des rizières. Les galeries de peinture de Hanoï regorgent de ces tableaux où les verts déclinants s’estompent en de multiples nuances de jaune, paille, or, mimosa, impérial… Bien sûr dans les montagnes, en vue cavalière la scène est inoubliable. Et à l’échelle de l’homme ou de la femme, penchés sur leur labeur, la moisson à la faucille révèle instruments agraires, costumes, postures… les bébés aux bonnets à clochettes et pompons, installés à califourchon sur le dos de maman font souvent partie de l’expédition. Ils ne s’en plaignent pas, ayant droit à leur tété à chaque pause. Sur les petites routes vicinales dans le delta du Fleuve Rouge, se frayer un passage entre décortiqueuses pétaradantes et riz doré séchant sur le bitume au soleil de ces belles journées automnales est toujours une gymnastique. Les larges sourires échangés sont à la mesure de l’abondance de la récolte qui s’annonce. Une invitation à prendre un thé vert, et nous voici installés dans un fauteuil d’un salon rustique campagnard à siroter un âpre thé. Dans la modeste pièce, sur l’autel des ancêtres, tout aussi rustique, trône en bonne place les portraits de Marx et Lénine, ancêtres en politique ou ancêtres en religion ? Le mystère demeure.


Les yeux émerveillés d’enfants dansant sous la lune et arborant fièrement guirlandes et lanternes, nous font savoir que le Têt Trung Thu, la fête de la mi-automne, est arrivée, avec son cortège de gâteaux de lune délicieux, que s’arrachent aussi, avec gourmandise, les adultes. Dernier épisode de l’année avant l’entrée dans l’hiver où seuls, dans le paysage, les bosquets de bambous marquent par une touche de verdure une vie végétale entre parenthèses.


Le temps mort du calendrier agricole va laisser le temps à la vie spirituelle de prendre le pas, et au cycle de la vie de s’enclencher, dans une mutation alchimique toujours renouvelée. Au creux de la courte saison hivernale, le bambou toujours vert, son emblème, laisse jouer dans ses tiges bruissantes la froidure d’un vent venu de Chine. Regardez-le qui se penche protecteur et attentif, écoutant cymbales et hautbois qui retentissent sur les chemins, d’une maisonnée à l’autre dans ces hautes montagnes du Nord. Voici venu le temps des cérémonies religieuses, les prêtres taoïstes de quelques unes des minorités du Nord, vêtus de chasubles et d’aubes cérémonielles vont célébrer ordinations, rites d’initiation et mariages.


Le cri étouffé des cochons muselés qu’on égorge, se diffuse comme une invitation à la fête. Plusieurs jours de ripailles accompagnent les rituels de ces cérémonies religieuses, ou les mariages, peut-être de moins en moins arrangés, mais aux rituels toujours profondément vivants. L’occasion est donnée de découvrir et de s’émerveiller de la diversité et de la richesse des costumes traditionnels confectionnés pour l’occasion. Fierté des femmes, honneur des maris, les couples se mettent en scène. Temps festif pour les enfants qui jouent avec ardeur, joyeux dans leurs costumes neufs brodés.


Dans les plaines et dans les villes, à Hanoï, comme à Hô Chi Minh ville c’est la saison des mariages. Pas un seul espace au romantisme suranné, dans une nostalgie inavouée de la ville coloniale, n’échappe à ces séances de poses photos pour futurs jeunes mariés, vieilles maisons françaises du quartier de Ba Dinh, squares aux kiosques à musique, fontaine près de l’Hôtel Métropole ou pourtour du Lac de l’épée restituée, Hoan Kiêm, avec ses bosquets de bambous et son temple Ngoc Son millénaire, relié par un antique pont de bois rouge. On anticipe le jour inoubliable de la cérémonie de mariage où les photographes seront débordés !

Le cycle des amours rejoint ainsi, dans son mouvement perpétuel de soif de vie, le cycle annuel du temps qui s’égrène, au rythme des saisons éternelles, identiques et pourtant si changeantes, augmentées de la couleur du temps du tourisme.


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