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TOP10 - Texte en français: FR018

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Loin de la marée humaine de l’aéroport d’Orly, à la frontière avec la Chine... je partage quelques souvenirs de la vie quotidienne aux côtés des Vietnamiens. Une découverte riche de couleurs, de saveurs, de parfums, de musique.. de vraies surprises que je n’oublierai jamais et qui m’accompagnent dans les moments parfois difficiles de la grisaille parisienne.

Extraits de correspondances



***



4 juillet 1993


Un après-midi de dimanche, le soleil brille et c’est le calme. Les habitants sont tellement sympas ici que je n’ai plus envie de quitter cette petite ville du Nord Vietnam. Dans les rues, les gens me saluent, viennent me parler… et sur le marché, pas besoin de discuter les prix. Voilà un endroit exceptionnel, presque magique. Au petit déjeuner, c’est un réel plaisir que de mordre dans les « you tiao » sortant de l’huile brûlante, accompagnés d’une eau de riz sucrée ; je suis alors dans la rue, installée à une table, sous un parasol. Puis, je vais en face, chez les filles, prendre une soupe de nouilles. Quelques fruits sur le marché – c’est la saison des prunes – et je reviens à l’hôtel.


Ma chambre est très claire et spacieuse, avec trois lits. Les moustiquaires rondes sont accrochées au-dessus, bien repliées, et quand on laisse retomber la mousseline sur les bords du lit, la pièce semble d’une autre époque. Les palmes du ventilateur tournent gentiment au plafond, mais pas assez pour faire voler les papiers qui jonchent le troisième lit. J’essaie de mettre de l’ordre dans tout cela, mais je suis souvent distraite et l’endroit me donne de l’inspiration. Alors, je continue ma prose.


Devant moi, une carte du Vietnam, et à nouveau, je ne sais plus vers quelle destination me lancer. Je sors prendre l’air et je retourne sur le marché, plus important aujourd’hui qu’en semaine. Dans des cages, je découvre des animaux dont certains pour la première fois. Différentes espèces de tortues, des lézards, des geckos, des serpents, des bébés singes, des petits rongeurs, des chats sauvages, des cailles…


Plusieurs groupes ethniques vivent ici, les Kinh, ethnie majoritaire du Vietnam, et les Man, dans les montagnes. La frontière avec la Chine est très artificielle car ils ont une culture, une langue, une idéologie qui leur sont propres. J’ai envie de partir dans la campagne, à leur rencontre. La route entre les deux pays vient juste d’ouvrir, depuis quelques mois seulement.


Pour le moment, je reste en ville, et je me ravis de découvrir enfin ce pays tel que je l’imaginais déjà. Le jour s’en va déjà quand je descends dans la rue ; tous les soirs, je retrouve mon marchand de glaces, un gros Chinois qui rit toujours, comme le Bouddha du Futur. En chemin, je le croise : il actionne un pédalier de ses mains, il avance dans une chaise roulante, je m’aperçois seulement maintenant qu’il est handicapé.


Plus loin, des vendeurs n’ont pas encore emballé leurs cages : quelques grenouilles mortes ont été jetées, le python ne bouge pas, le lézard vert non plus… et, à y regarder de plus près, c’est un caméléon qui a les pattes ficelées sur le dos. Les perruches sont silencieuses aussi ; pourtant, leur maître m’assure qu’elles chantent. Un jeune rapace pleure sa mère, et le bébé singe suce son pouce.


Dans les ruelles fraîchement balayées, les vieilles femmes, chemise sans col et boutonnée de côté sur un pantalon noir, profitent de la fraîcheur du soir et, assises pour mieux regarder les passants, elles agitent un éventail tout en m’adressant un sourire. Une fillette, sur un petit vélo à trois roues, fredonne un air tout en pédalant sur la terre battue. Au sortir de la ville, un chantier est éclairé et les ouvriers continuent leur travail sur les fondations d’un immeuble. Derrière se profilent les collines, pains de sucre de formation calcaire qui, à la nuit tombante, prennent un aspect menaçant : elles sont là, à portée de main, et resurgissent comme la légende du dragon. Le ciel se dessine à l’horizon : à la gouache, le bleu et le rose, et plus tard, c’est une aquarelle de dominante mauve.


Un poulet aux cacahuètes pour dîner, et je remonte dans ma chambre. Des cris dans la rue éveillent mon attention ; du balcon, j’observe les gens se ruer vers la salle de jeux où il y a un différend. Cinq minutes d’agitation, et tout est normal à nouveau.


Lundi, le ciel est couvert, il ne fait pas trop chaud, je décide de partir sur les routes de la belle campagne environnante. A pied, car ici on ne loue pas les vélos, on les vend. Je voulais passer de l’autre côté des collines, en partant sur les sentiers tracés par les paysans, mais on me l’a déconseillé. Et puis, comme je ne suis pas très courageuse, j’ai tout simplement suivi les petites routes dans la vallée. Les rizières sont d’un vert pur et bientôt, leurs épis vont donner de jolis grains blancs. Les réservoirs d’eau, où des filets de pêche sont tendus, laissent jaillir des croassements de grenouilles. En chemin, les vieillards avec leur bâton, et un petit baluchon, s’arrêtent pour me saluer et ne refusent pas la photo. Je les laisse regarder au travers de l’objectif, c’est une expérience nouvelle et drôle pour eux. Tous plus beaux les uns que les autres, avec des chapeaux aux formes multiples, c’est déjà le paradis pour le photographe. Mais j’ai besoin de repos et je n’ai pas le déclic facile. Alors, je me contente d’observer, de partager, de vivre au rythme d’ici, de suivre le souffle du vent sans trop me poser de questions. Les femmes sont plus farouches, plus moqueuses aussi. Oui, j’ai le long nez et j’ai du poil sur les bras…


Je m’arrête pour acheter une glace à l’eau, tout comme les enfants : c’est la sortie de l’école. Les garçons courent derrière un petit tracteur pour essayer de grimper sur la remorque : ce qu’ils se verront refusé. Une petite fille, dans une jolie robe jaune à pois, marche près de moi d’un pas assuré. Elle est pieds nus et avance tête baissée : elle est intimidée mais dès qu’elle aura retrouvé sa copine, elles se tournent toutes deux vers moi pour me laisser voir leur joli visage radieux. Ah, quel bonheur au milieu de ces enfants, au regard qui exprime la surprise, mais aussi l’espoir d’un monde nouveau.


Le soir, toujours chez les filles, je passe commande sans trop prêter attention. Elles me servent des gésiers de volaille frits avec de gros piments verts. Comme elles comprennent que ça brûle un peu trop le palais, elles m’apportent, dans une coupelle, de l’ail haché arrosé de sauce soja… A la table voisine, sept convives prennent leur repas dans la bonne ambiance. Tous des hommes et, dans un geste d’amitié, ils se donnent mutuellement de l’alcool à la petite cuillère. Encore une manière bien singulière de boire à la santé de l’autre ! L’alcool de riz est servi dans trois grands bols, répartis sur la table, au milieu des nombreux mets.


Partant d’une petite ville perdue dans les montagnes, je découvre des paysages merveilleux. En fait, je suis à la recherche d’un village de minorités. Je vais au hasard, vers un sentier de montagne et, après trois heures de marche sans avoir rencontré une seule âme hormis un troupeau de vaches, je me décourage et pense rebrousser chemin… quand j’entends des cris et des rires en contrebas. Je ne vois rien car la végétation est trop dense, mais mon coeur bat d’excitation quand je continue sur une pente glissante… pour émerger sur un refuge de montagne, construit au bord d’un ruisseau. Une Vietnamienne, en costume traditionnel, vient vers moi, ahurie de par ma présence, mais empressée de m’accueillir et de m’inviter à déjeuner.


Je rentre ensuite à la ville avec les huit jeunes filles, venues jusqu’ici pour une journée de travail, à planter des choux dans une clairière après avoir pioché le sol pour le rendre exploitable. Quant à mes hôtes, ils vivent là isolés de toute civilisation moderne.


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